Brûler le temple

Erostrate a brulé le temple d’Artémis à Ephèse (Turquie actuelle) en 356 avant Jésus. Ce temple était considéré comme l’une des merveilles du monde.

Arrêté et interrogé (la torture l’aurait rendu loquace) Erostrate expliqua son geste par l’envie de… devenir célèbre !!!

Drôle d’idée que de vouloir devenir célèbre.

La justice voulut alors lui infliger une double sanction : lui ôter la vie et, pire, supprimer toute trace (marque !) de son existence. Pire que la mort, l’oubli.

Les romains nommaient cette peine  « damnatio memoriae », damnation de la mémoire. Il s’agissait alors d’effacer toute trace de vie du condamné (suppression du nom des registres, interdiction de citer la personne comme pour Voldermort dans Harry Potter…). Enfer et damnation !

Erostrate veut devenir célèbre, laisser une trace dans l’histoire selon la formule communément consacrée. La trace ou la marque de son existence. La marque est alors un moyen de survivre à sa propre mort physique.

Evidemment, la sanction des grecs ne fut pas couronnée de succès puisque je vous nomme le personnage dans cet article. Peut-être l’interdiction de mentionner son nom fut elle à l’origine d’ailleurs de sa popularisation. Un acte insensé et spectaculaire suivi d’une interdiction, voilà un terrain propice au succès médiatique.

Dans le recueil de nouvelles « Le mur », Jean-Paul Sartre évoque cette anecdote :

« — Je le connais votre type, me dit-il. Il s’appelle Érostrate. Il voulait devenir illustre et il n’a rien trouvé de mieux que de brûler le temple d’Éphèse, une des sept merveilles du monde.
— Et comment s’appelait l’architecte de ce temple ?
— Je ne me rappelle plus, confessa-t-il, je crois même qu’on ne sait pas son nom.
— Vraiment ? Et vous vous rappelez le nom d’Érostrate ? Vous voyez qu’il n’avait pas fait un si mauvais calcul. »

Bienvenue dans le monde des marques et de la communication.